Chaque visite au commissariat se ressemblait, et cela l’ennuyait. La situation n’évoluait pas. Ce n’était pas l’envie qui lui manquait, mais simplement les moyens de faire bouger les choses. Pride - Selim, comme il se faisait appeler - scrutait le visage de l’agent McGee sans vraiment l’écouter. Il savait d’avance que ça ne lui plairait pas.

« Je comprends très bien. Mais, pour le moment, tu n’as pas retrouvé ton père et tu vis à l'orphelinat, n’est-ce pas ? » Selim fronça un peu les sourcils face à ce constat fort déplaisant. Pourtant, il n’en dit rien et laissa le policier poursuivre. « Donc tu devrais y rester, non ? »

Ce coup-ci, Selim fit “non” de la tête. Bien sûr qu’il devait y rester, et il y resterait le temps qu’il faudrait. Il avait besoin d’être nourri et logé. Mais cela ne l’empêchait pas d’exprimer son mécontentement vis-à-vis de la situation en grimaçant.

« En tous les cas, si tu veux, je peux t’aider à retrouver ton père, du moins essayer. »

Un air grognon sur le visage, Selim se leva et fit quelques pas pour aller jeter sa boisson vide dans la poubelle non loin de l’homme. Il balada son regard dans le commissariat, puis sur le bureau du policier. Il détailla ce qu’il s’y trouvait avec beaucoup de curiosité, notamment cet étrange… Écran sur lequel McGee travaillait si souvent. L’homonculus ne s’habituerait sans doute jamais à toute cette technologie… Il n’y avait pas tout ça, chez lui.

Sans regarder l’homme, il osa avouer :

« Je ne veux pas retourner à l’orphelinat. Je n’aime pas les gens qui sont là-bas, et les autres enfants sont bêtes. »

Il posa ses petites mains sur le bord du bureau et, avec une note d’espoir parfaitement feinte, il demanda :

« Et comment vous allez faire pour retrouver mon père ? Moi, je l’ai cherché partout, et je ne l’ai toujours pas trouvé… »

Comme Selim s'y attendait, l'agent McGee faisait preuve d'une patience remarquable. Cela allait avec son caractère, le policier était un homme fondamentalement bon... Cela agaçait Pride, cela le dégoûtait.

« Je comprends que tu n'aimes pas le personnel de l'orphelinat. Je pense que je n'aurais pas aimé y être non plus. Mais tu es sûr que les enfant y sont bêtes ? Ils ont ton âge, non ? Tu n'as pas de passions ou autre en commun avec eux ? »

Il fit "non" de la tête et réprima un soupir.

« Non, ils sont ennuyants. Ils ne pensent qu'à jouer au ballon ou à regarder les dessins animés. Mais c'est idiot, ça fait beaucoup de bruit pour rien. »

De toutes manières, le débat était stérile. Aussi gentil soit-il, Timothy McGee le laisserait croupir dans son orphelinat. Il n'avait pas le pouvoir de l'en sortir.

« On peut essayer de cherche là-dessus. Tu connais internet ? On peut voir si des sites, si tu connais, si quelqu'un recherche son fils. Si tu ne connais pas, je t'explique comment faire ou même je le fais devant toi. »

Selim regarda à nouveau l'écran de l'ordinateur, sincèrement curieux pour le coup. Oh oui, agent McGee, montrez lui comment fonctionne toute cette technologie...

« Internet…? Non, je ne connais pas internet. »

Il approcha sa main de l'ordinateur et toucha l'écran du bout des doigts. Il tâtonna sur les écritures, sur les images qui apparaissaient à l'écran. On aurait dit un tableau lumineux, mais il n'y avait ni encre ni peinture, ni feuille ni toile. Cela lui rappelait la télévision, un autre objet étrange de ce monde...

« Qu'est-ce que c'est un site ? Il y a des gens à l'intérieur ? Mon père est là-dedans ? »

Même l'alchimie n'expliquait pas au garçon un tel tour de passe-passe.

La simplicité avec laquelle il extorquait toutes ces informations à l'agent McGee relevait (sans mauvais jeu de mot) d'un jeu d'enfant.

« Non, c'est un endroit où on écrit des trucs, un site. C'est créé par des informaticiens ou des programmateurs. Et donc, sur Internet ; y'a des tas de sites dont certains où on peut chercher des gens. Peut-être que ton père a écrit sur l'un d'eux. Un forum, par exemple. Un forum, c'est un site où on partage des partages, des informations ou autre. Ça va, tu me suis ? »

Pride étant loin d’être stupide, il assimilait en silence toutes les informations données par le policier, hochant parfois la tête à l’affirmative pour lui signifier qu’il comprenait. Le discours du policier transpirait de passion et il n’était pas compliqué de deviner que cela lui tenait à cœur. Tant mieux, un passionné ne serait pas avare d'explications.

L’enfant retira sa main de l’écran. Il resta encore un instant à l’observer, puis jeta un nouveau regard vers l’agent McGee.

« Si je comprends bien… Internet c’est comme une grande toile où tout le monde peut écrire dessus ? » Il plissa les yeux et montra l’écran du doigt. « Mais comment on fait pour écrire s’il n’y a pas de feuille et de stylo ? Vous pouvez me montrer, s'il vous plaît ? »

Avec le mot magique, l'agent McGee ne devrait pas pouvoir lui refuser. Cette étrange technologie semblait la base de ce monde. Si Pride souhaitait survivre et s'élever, il devait absolument comprendre tout cela. Après tout, le policier lui avait dit : Internet regorgeait d'informations. Et quoi de plus précieux en ce monde que l'information ? Le savoir, c'est le pouvoir. Et pour retrouver sa superbe, Pride avait besoin de pouvoir.

Il reporta son attention sur l'étrange écran. Malgré tout, quelque chose le chiffonnait et il baissa tristement les yeux.

« Mais mon père... Il saurait utiliser tout ça ? »

Sincèrement, Selim en doutait. Il voyait mal son Père se rabaisser à utiliser la technologie humaine… De plus, la fidélité sans faille de l'enfant - et son orgueil incommensurable - l’empêchait de réaliser que son Père ne ferait jamais rien pour le retrouver.