La voix du propriétaire des lieux s’éleva une nouvelle fois, et pour la seconde fois, ses propos furent d’une folle gentillesse.

« Je te l’ai dit, je peux te les offrir. Dis moi donc ce qui te ferait plaisir et je te l’offre sans problème. »

Le visage de l’enfant s’illumina de joie, comme il savait si bien le faire. Mais, pourtant, il y eut une véritable pointe de sincérité et d’impatience quand il remercia le boulanger.

« Oh ! Vous êtes vraiment gentil, monsieur ! Merci beaucoup ! »

Sachant qu’on allait enfin combler son appétit, Selim pivota à nouveau vers la vitrine qu’il connaissait désormais par cœur. Il passa en revue toutes les pâtisseries, tout en se mordillant la lèvre inférieure à cause de son intense réflexion.

« Hm… Je voudrais bien une tartelette aux fraises ! Oh non, un éclair au chocolat ! » Faire un choix ne lui avait jamais semblé aussi compliqué ! Finalement, il pointa les pâtisseries en formes de créatures qu’il ne reconnaissait pas et qui titillait autant sa curiosité que son appétit. « Non, ça, s’il vous plaît ! Je ne connais pas ces animaux, qu’est-ce que c’est ? Des chimères ? »

Dans son monde à lui, les chimères étaient la seule chose qui se rapprochait plus ou moins d’un animal fantastique.

« Non, ce sont des niffleurs ou des demiguise. Disons que ce sont des animaux fantastiques rares. Tu veux en goûter un de chaque ? Ce sera avec plaisir. Tu verras, c'est très bon même si je les fais peu ici. »

Plus le boulanger parlait, plus il laissait échapper d'importantes informations que l'esprit vif du petit garçon s'empressait de noter et de retenir. Niffleur et demiguise... Qu'est-ce que cela pouvait bien être ? En trois cent ans de vie, jamais Pride n'avait entendu parler d'une créature nommée ainsi ! Depuis son arrivée dans cet étrange monde, les mystères s'amoncelaient sans jamais entrevoir la moindre réponse.

Je les fais peu ici, avait dit le boulanger. Cela signifiait donc qu'il les faisait ailleurs... Hors de cette ville maudite. Dans son monde à lui, peut-être ? Et les créatures aux noms imprononçables viendraient elles aussi de ce monde-là... Selim acquiesça, et chercha un moyen détourné pour en savoir plus.

Une chance, la curiosité d'un enfant était bien trop souvent pardonnée.

« Des animaux fantastiques rares…, répéta l'enfant comme pour intégrer cette drôle d'information. Vous les avez vu pour de vrai ? »

Il quitta les pâtisseries du regard pour sourire à l'homme.

« Je veux bien les goûter tous les deux, oui ! Encore merci monsieur ! »

De toutes façons, il aurait mangé n'importe quoi tant que cela comblait sa faim.

Selim écouta le boulanger parler avec la plus grande attention. La plus petite des informations était à prendre, surtout lorsque l'homme se livrait à des confessions sur son passé.

« Oui, je les ai vu pour de vrai, il y a longtemps »

Il le suivit du regard, alors que l'homme récupérait les fameuses pâtisseries. Selim en avait l'eau à la bouche !

« Et voilà pour toi, mon grand. Régale-toi bien !

— Oh ! Merci ! Merci monsieur le boulanger ! »

Dans un rire éclatant, Selim tendit ses petites mains et récupéra avec soin les précieuses pâtisseries qui combleraient son appétit. Peut-être même qu’il en garderait une pour plus tard, s’il parvenait à calmer sa gourmandise… Il mordit à pleine dent dans la première pâtisserie - celle du niffleur, s’il avait bonne mémoire. Il n’avait que rarement dégusté quelque chose d’aussi bon, sans doute que la faim jouait sur ses ressentis du moment. Un être comme lui n’avait pas besoin de se nourrir pour vivre, il réservait ce calvaire aux humains, mais depuis la mort tragique de son petit frère, Pride avait tout le temps faim.

Cependant, si son appétit était rassasié, la curiosité le titillait encore… Le boulanger disait des choses étranges. Depuis son arrivé en ville, Selim Bradley avait bien compris que le monde était plus vaste et plus complexe que ce qu'on lui avait toujours enseigner.

Selim termina sa bouchée avant de reprendre la parole.

« Dites… Vous les avez vu où ces créatures fantastiques ? » Il lécha la crème sur ses doigts et releva ses grands yeux brillants vers l’homme. « Il y en a ici ? Je pourrais les voir moi aussi !? »